vendredi 31 juillet 2009

Des effets pervers d'une overdose de romans policiers en plein soleil au bord d'une piscine


Le corps avait été retrouvé aux petites heures de l'aube. Le teint grisâtre et la peau glacée indiquaient que la mort était survenue bien des heures plus tôt. Le médecin légiste confirmerait d'ailleurs l'hypothèse par une laconique note dans le rapport d'autopsie : "Heure du décès : entre minuit 15 et 2h 30 du matin".
Des traces rubis maculaient encore le matelas, telles des fleurs de sang séchées.
Qu'avait-il bien pu se passer dans cette chambre confinée de ce petit hôtel miteux perdu dans un village des tropiques ?


Que signifiait ce cygne, maladroitement esquissé en serviettes de bain, probablement par la victime quelques instants avant de rendre son dernier souffle ?
Un indice de taille sans doute, mais pour nous indiquer quelle piste ? Le nom de son meurtrier ? Ou était-ce tout simplement un dernier hommage à sa passion pour l'origami à qui il avait voué sa vie ?



Et ce singe au regard apeuré – et manifestement au tempérament un peu exhibitionniste – à quelles scènes atroces avait-il bien pu assister ?
Pour ce qui est du lieu, pour peu habituel qu'il soit, nous ne devions pas nous interroger : le meurtre avait bien eu lieu dans la chambre.
Quant au suspect et à l'arme du crime, nous avions l'embarras du choix : s'agissait-il du Professeur Violet avec le chandelier ? De Madame Leblanc avec la clé anglaise ? De l'étrange Madame Pervenche avec le revolver ? Ou de l'inquiétant Docteur Olive avec le poignard ?



A charge contre elle, la mystérieuse Mademoiselle Rose n'avait pas demandé son reste et s'était empressée de réserver une cabine sur le premier paquebot en partance pour prendre la poudre d'escampette, troquant ses habituelles robes de soie à col Mao et son porte-cigarettes trop voyants pour une tenue plus appropriée à l'anonymat.
Après bien des rebondissements et des retournements de situations cependant, forces aveux et démentis, quelques poursuites échevelées et moultes répliques biens senties, la lumière se fit finalement sur cette affaire : le coupable n'était autre que ce diabolique Colonel Moutarde, mais qui avait cette fois décidé d'innover un peu, et qui, pour rendre la partie plus intéressante, avait pris l'initiative d'employer une arme peu commune – mais qui cadrait si bien avec son passé de colonisateur des Indes Britanniques : le verre de Gin Tonic. 
Et ma foi, il est vrai qu'il est des morts plus atroces, n'est-il pas ?


vendredi 24 juillet 2009

C'est la vie en couleurs


Chaque nouveau voyage laisse en nous une empreinte dont on pense avoir du mal à se défaire. Et finalement, il n’aura fallu que quelques jours à peine pour oublier de répondre les «Sumimasen», «Dômo arigatô gozaimasu» et «Ohayô» devenus réflexes ces 4 derniers mois, pour effacer le cérémonial quotidien des sentô et trouver normal de voir les gens faire leur toilette à même la rivière, pour lâcher les baguettes et reprendre la cuillère (un peu plus pratique pour le riz et les curry tout de même !).
Notre parcours en accéléré, pour préparer l’arrivée de nos hôtes la semaine prochaine, nous a déjà rempli les yeux de biens des couleurs. Du noir béant des volcans surplombant les rizières au blanc sable des plages de carte postale, du vert jungle des temples mangés par la végétation au rouge sang des combats de coqs, et jusqu’à l’ocre de boue d’une déjà mémorable après-midi de randonnée en mobilette pour aller voir le bleu déferlant des rouleaux d’écume et où le gris de la mousson nous ayant surpris, nous n’avons pu rentrer, pieds et roues englués dans la vase, que grâce à l’aide de deux petits garçons qui se sont fait un devoir de nettoyer nos essieux encrassés dans les flaques tout au long du chemin.
Nous n’imaginions pas, pour n’être jamais venu, que nous rencontrerions des gens si gentils, souriants et hospitaliers.
Nous ne pensions pas non plus qu’en à peine quelques jours, on nous attribuerait autant de nouveaux surnoms. Au placard les Uran et Astroboy d’un autre temps sur une autre île.
Un Siba n’a pas fait long feu en comparaison d’un Toshiba, Dziva ou d’un plus classe Cowboy Man. De mon Stéphanie ne sera retenu que Funny, de mes cheveux – qui visiblement épatent ici, je ne compte plus les compliments pour me féliciter de l’originalité de ma coiffure, ni les merci pour avoir choisi le noir très indonésien comme couleur – Spaghetti Hair – on a beau aimer, ça n’empêche pas de se moquer ! Les indonésiens semblent prendre la vie du bon côté, avec humour et l’indolence qu’on prête aux habitants des îles. De l'Indonésie, c'est cette empreinte là que je m'efforcerai de garder...

Uran

samedi 18 juillet 2009

Où il est question d'avenir


Maintenant que la page japonaise est définitivement tournée, en tout cas pour ce premier chapitre, voilà que s'impose à moi une question : que faire de ce blog ?
A la base commencé pour établir une petite chronique de notre quotidien et de nos découvertes nippones, de nos états d'âmes et réflexions du moment, de mes doutes et petits progrès sur le papier, maintenant que nous entamons notre dernier mois d'exil sur des terres qui font plus penser à un grand club de vacances qu'à une résidence artistique, est-ce que continuer à écrire a encore un sens ?
Continuer à raconter le Japon alors que nous n'y sommes plus me donnerait l'impression d'endosser le rôle d'un vétéran de guerre qui raconte avec nostalgie ses glorieuses batailles passées.
Etaler l'Indonésie, ses paysages qui semblent pleins de promesses mais aussi ses après-midi de lézarde au bord d'une piscine, me laisserait comme un goût de vous imposer ces cauchemardesques soirées dias – maintenant diaporama – de retour de vacances pour vous montrer des souvenirs qui n'intéressent que moi.
Essayer de prendre le temps de dessiner peut-être, mais la production risque d'être assez maigre vu ma difficulté à être efficace en transit.... je suis une illustratrice de carnets de voyage immobiles !
Et une fois cet ultime mois écoulé, oui, vraiment, que faire de ce blog ? Je ne trouve rien de plus triste quand j'en lis, que ces blog de gens partis à la rencontre de leur aventure, qu'on dévore parce qu'ils nous font voyager jour après jour par leurs petites anecdotes si exotiques, et qui se poursuivent une fois la parenthèse refermée, une fois que le même quotidien que le nôtre a repris ses droits.
Mais voilà, j'ai pris goût à l'écriture, à tenir ce petit journal sans contraintes que la seule envie de partager quelques dessins, une pensée, une angoisse, une victoire, une histoire. Et bien sûr, je pourrais garder tout ça pour moi, recommencer à noircir les carnets de mon adolescence soigneusement enfermés dans des tiroirs secrets sous des piles de vêtements, mais à notre époque un peu impudique, c'est si facile et tellement plus drôle de laisser les mots se propager, se confier un peu à un écran sans conséquence alors qu'on a souvent du mal à ne pas s'empêtrer dans une conversation, et ce petit frisson d'impatience quand, en rouvrant la page, on voit le chiffre des commentaires qui grimpe, ou quand on reçoit un si gentil petit mot disant qu'on nous lit et qu'on aime bien.
Je crois donc que ce blog restera en sursis quelques temps encore, pour quelques dernières impressions de voyages que j'essaierai de ne pas rendre trop "diapositives".
Et pour ce qui est de retour, je verrai si j'ai encore des choses à raconter, une fois le quotidien remis en place. Il sera toujours temps alors d'inaugurer un autre blog...

Uran

vendredi 17 juillet 2009

Où le luxe n'est pas toujours ce que l'on croit


Avant la date fatidique, j’essayais parfois d’imaginer ce qui me manquerait une fois quitté Tokyo : l’activité permanente de cette ville qui ne dort jamais, la commodité des kombinis ouverts 24h/sur 24, la promesse quotidienne d’un nouveau pique-nique, jamais pareil que la veille et sûrement différent du lendemain, le plaisir de regarder les japonais jamais avares de leur temps pour admirer une fleur, le sentô quasi quotidien, la ville qui se réinvente à chaque promenade tant elle semble infinie, la cuisine, n’en parlons pas, malgré mes quelques folies de chocolat et de fromage…
Et finalement, à la minute où nous avons quitté le Japon, j’ai su que ce qui me manquerait le plus, ce luxe auquel je m’étais habituée sans même m’en rendre compte, c’est l’extrême politesse, l’accueil toujours souriant, le respect parfois si cérémonieux mais qui donne forcément envie de rendre la pareille, et qui teinte les rapports sociaux d’une note si délicate.
C’est à l’aboiement hargneux de cette hôtesse de l’air taiwanaise que je me suis aperçue que tout cela n’était pas acquis d’avance, comme j’avais fini par le croire, et qu’il allait falloir me réhabituer à l’agressivité, la mauvaise humeur et la grogne.
En petit lot de consolation, me gaver de mangues, d’ananas et de lychees plutôt que de me contenter de lorgner sur les grappes de raisins – parfaites – à 50 euros ou de choisir dans le trop maigre éventail des fruits en soldes, ça c’est mon véritable luxe thaïlandais ! 

Uran

lundi 13 juillet 2009

Bollywood on Yubari




















Nous nous sommes souvent fait la réflexion au cours de ces mois passés au Japon, qu'il ne pouvait pas y avoir plus éloigné de l'Inde que ce pays. A chaque manière de faire, situation, solution, comportement japonais, la manière de faire, situation, solution, comportement indien serait sans doute l'exact opposé.
Et pourtant ce matin, c'est dans une petite station de montagne que nous leur avons enfin trouvé un point commun : les japonais sont aussi passés maîtres dans la peinture d'affiches de cinéma, qui, sans que nous sachions trop pourquoi, étaient exposées un peu partout dans la ville. Nous nous sommes amusés à les photographier, à vous maintenant de trouver les titres des films auxquels elles correspondent. Pour la récompense habituelle : un bon bol de natto... et je ne tolérerai aucun désistement, tout le monde participe !

Uran

dimanche 12 juillet 2009

Le club des 2 en Hokkaido – épisode 2 : retour à Sapporo


Previously on « Le club des 2 en Hokkaido » : Sébastien dialoguait avec une biche au cœur de la forêt pendant que Stéphanie immortalisait la scène avec son numérique. L’échange n’alla pas plus loin malheureusement, une intrusive voiture passa par là, faisant fuir à toutes pattes nos nouvelles amies, et Stéphanie dû employer toute la force de sa persuasion pour empêcher Sébastien de courir à leur poursuite.
Ils reprirent donc la route, les sens en alerte au moindre mouvement de fougères, mais à part une vache en plâtre, un ours empaillé et décrépi sous une pluie battante et un poulpe grillé dans leur assiette, ils ne firent plus la moindre rencontre animalière dans les jours qui suivirent, jusqu'à cette après-midi de balade où un renard gourmand leur soutira l'entièreté d'un paquet de biscuits pour daigner leur accorder un peu de son précieux temps (et par la même occasion accepter de poser pour que Stéphanie puisse concourir pour la plus belle photo animalière amateur dans la revue "Nature, chasse et pêche" de septembre !).




... Et le défilé des petites aventures et des belles images repris son cours.
A commencer par la superbe cabane avec tatamis superposés qui fit dire une bonne 20aine de fois à une Stéphanie extatique que c’était le plus beau jour de sa vie, avant qu’elle ne se précipite pour investir sans condition le tatami du haut.




Il y a eu ensuite un bain brûlant dans les rochers, les bustes blancs qui disparaissent dans la vapeur, la lumière tamisée des lampions et le froid piquant de la nuit.
Il y eut des petits-déjeuner dans la rosée du matin en réchauffant les boîtes de café à la bougie ou dans un pénible feu de bois humide que le pire des scouts aurait renié.



Il y eut de belles journées de soleil ou de pluie battante, et des kilomètres de route avalés en ayant l'impression de nous enfoncer de plus en plus dans une réplique du mid-west américain, station-service désertes, silo à grains et champs à perte de vue, si il n' y avait eu les impeccables jardins japonais devant les grosses fermes pour nous rappeler constamment que nous n'étions pas exactement à l'endroit où nous avions l'illusion de nous trouver.






Il y eut d'autres lacs, d'autres volcans lunaires, et une méthode peu ordinaire pour faire cuire les oeufs, mais qui demande une installation un peu trop encombrante et les gestes précis d'une experte.







Il y eut des bains encore, dans un onsen de luxe pour se réchauffer d’une journée un peu froide, ou dans une eau aussi acide qu'un jus de citron.
Et de simples bains de pieds, les ashiyus, disséminés dans ces villages de montagne pour soulager les randonneurs épuisés.


Il y eut les sourires amusés devant les séances de pose des amis en vacance.




Il n'y eut enfin plus moyen d'aller plus loin parce que nous étions arrivés au bout de l'île, face à une mer aux consonances slaves qui se transforme en un gigantesque glaçon au plus froid de l'hiver, mais qui pour l'heure donnait plutôt envie d'aller s'y plonger... s'il avait fait assez chaud pour enlever nos vestes et nos pulls.



Alors nous avons fait demi-tour, pour revenir prendre l'avion qui nous ramènera une dernière fois à la Grande Ville demain matin. 
Pour un définitif THE END à l'aventure japonaise, et un possible SUITE AU PROCHAIN EPISODE.
Mais ça, c'est une autre histoire...

Uran

jeudi 9 juillet 2009

Le club des 2 en Hokkaido – épisode 1 (posté de la Grand rue d'Asahikawa)


Il y a déjà eu de petites aventures et de belles images.
La traversée en ferry donc, et l’arrivée dans cette petite ville portuaire, paupières lourdes et pieds de plomb, sillonnant mécaniquement de jolies rues d’un autre temps, celui où les banques et le hareng avaient bâti des fortunes, et où pour l’heure nous attendions juste la clef de notre chambre pour réparer notre sommeil.




Il y a eu Sapporo, grosse cité sans charme, malgré son beau jardin botanique et sa roseraie plantée de John Fitzgerald Kennedy et de Queen Elisabeth, et son triste zoo, mais où nous avons retrouvé nos habitudes de citadins : le petit expresso serré pris à l’heure du goûter dans notre cafétéria préférée, le tapis roulant de sushis bons marchés qui, comme à chaque fois, nous a réservé de charmantes surprises locales (sushis de salade de maïs, de coquille saint Jacques rôties et noisette de beurre frais, de chair de crabe et de jaune d’œuf de caille cru…), les connections internet faciles, les kombinis à chaque coin de rue.


Il y a eu le temps de nous habituer à notre petit bolide rose, d’apprendre à ne plus confondre clignoteurs et essuie-glace et, après quelques kilomètres d’échauffement, à utiliser avec efficacité nos cartes imprécises et notre gps sophistiqué… entièrement en japonais !


Il y a donc eu les étapes pique-nique sur les jolies aires longeant la route, en évoquant ceux magiques mais trop rares de nos enfances, et l’envie de restaurer la tradition autour de belles nappes blanches, de gâteaux à étages et de glacières.



Il y a eu, à Noboribetsu, la promenade au milieu d’un paysage lunaire de cratères, de geysers, de lacs fumants et de monstres de plâtre, les pieds trempés dans la rivière tiède, le grand et beau onsen du luxueux hôtel, puis le restaurant providentiel et la chambre au confort vieillot et trop chère mais salvatrice alors qu’on n’y croyait plus.



Il y a eu le joli petit lac, sur la route 66, et un autre plus grand, au pied de 2 volcans nourrissons puisque sortis de terre dans un grand tremblement un beau jour il y a à peine 60 ans.
C’est au bord de ce lac que nous nous sommes improvisés campeurs le temps d’une nuit, avec une tente et quelques trop maigres couvertures de location, mais la baignade du matin avec les crevettes qui me chatouillaient les orteils valait bien les courbatures et grelottements de la nuit.




Il y a eu les kilomètres sur les routes de montagne et de côtes, à traverser des villes fantômes dignes du Far West, une nouvelle étape à Otaru, un bain public populaire où les matrones me dévisageaient d’un air bienveillant et les messieurs trouvaient tout naturel de venir demander un rab de savon dans l’entrée sans même penser à s’encombrer d’une serviette.
Une nuit chez un sympathique monsieur louant ses tatamis pour un prix raisonnable mais ayant oublié de nous préciser qu’était compris le bruit assourdissant de la grand route toute proche.
Il y a eu un rapide passage à Sapporo, le temps de prolonger la location du bolide et vous donner des nouvelles, puis l’est cette fois, où la confiance nouvellement acquise dans notre maîtrise du gps nous a fait prendre des raccourcis sur des chemins improbables et plus adaptés aux gros 4x4 des rues de Uccle qu'à notre cacahuète. 
Grâce à quoi il y a eu cette belle rencontre sous les branches et Sébastien qui s'est découvert un don pour communiquer avec les biches... mais qui en aurait douté !



A suivre.... Uran