Stef a découvert la peinture à l'huile et trouve que ça convient bien à son style. Enfin, pour peu que style il y ait, parce que pour le moment, elle le cherche, et se dit que ça risque de prendre pas mal de temps avant de le trouver.Voyez-vous, son gros problème, c'est qu'elle aime beaucoup trop de choses beaucoup trop différentes. Alors ses dessins se teintent d'un peu de ceci, d'un peu de cela, au hasard des derniers coups de coeur.
Et dans ce puzzle d'influences et d'envies, elle ne sait pas très bien à quoi elle ressemble, elle.
Ou peut-être elle le sait trop bien mais ne veut pas se laisser faire. Parce qu'elle a souvent l'impression que ses crayons et ses pinceaux prennent le pouvoir et n'en font qu'à leur tête. Et pourtant, la main, le poignet et l'épaule bataillent ferme. Mais rien n'y fait : un angle qui s'arrondit, un fondu qui s'adoucit, un trait qui s'estompe, et le dessin ne se ressemble plus. Et les pinceaux crient victoire. Et Stef regarde le résultat avec perplexité, osant à peine se poser la question : se peut-il que ce soit ça mon "style" ? Quelque chose d'un peu trop doux, d'un peu trop lisse, d'un peu gentil... elle qui rêverait souvent de plus de rébellion, de cris et de fureur sur sa feuille.
Mais quand elle essaie, et que parfois, croit-elle, elle remporte enfin une petite bataille, elle regarde son dessin d'un air non moins perplexe : est-ce que ça ne sonne pas un peu faux ? Est-ce que l'acharnement esthétique ne lui a pas fait perdre l'essentiel en chemin : coucher sur le papier une émotion, un imperceptible état d'âme, une atmosphère. Raconter par l'image plus subtilement que par les mots. Ce qu'elle vient de dessiner n'est-il pas tout aussi vide de sens qu'une page blanche ?
Bref, Stef se pose beaucoup de questions, et pour l'instant ne trouve pas beaucoup de réponses.
Elle aimerait avoir les certitudes de l'amoureux, qui trace son chemin avec plus d'assurance, au moins sûr de ce qu'il ne veut pas si pas toujours de ce qu'il veut. Elle a, comme lui, fait de belles rencontres mais n'a pas su, comme lui, précieusement les entretenir, pas assez consciente qu'on a besoin de guides pour avancer. Alors, elle tâtonne, pour l'instant un peu seule, un peu dans le brouillard, un petit pas devant l'autre, mais sans douter qu'un jour crayons, pinceaux, main, poignet et épaule parviennent enfin à faire la paix.
Uran