Et pourtant, l'atmosphère de ces bains vieillots était tellement plus touchante que celle de ces beaux onsen de papier glacé.
On y vient en famille, par lignées de femmes couvrant plusieurs générations, entre amies ou entre voisines.
Quel spectacle étrange et drôle que ces femmes nues qui se saluent courtoisement comme elles le feraient en se croisant sur un trottoir, chemisier boutonné jusqu'au col, masque et chapeau à larges bords pour se cacher des regards, des microbes et du soleil.
Quelles images tendres et touchantes que cette petite fille grimpant joyeusement sur le dos de sa grand-mère en suçant des glaçons pour se rafraîchir de la chaleur moite; que cette femme d'âge mûr savonnant interminablement d'un air grave la peau fanée de sa vieille maman pour laver son corps fatigué – alors même qu'il me faut faire un effort parfois pour prendre la main de la mienne, comme si le fait d'avoir été créée par elle m'en avait irrémédiablement coupée, aussi sûrement que les deux mêmes pôles d'un aimant...
Comment aurais-je pu savoir que ce peuple si conventionnel et d'apparence si distant montrait en fait une telle générosité dans le toucher !
Du fond de mon bassin, j'observais à la dérobée ces rituels du quotidien et m'étonnais de constater à quel point la peau des japonaises est belle, souple et lumineuse à la fois. Les années ne semblaient pas dégrader leur corps, mais plutôt en souligner le caractère. Est-ce dû à leur toilette minutieuse, ou à toutes ces caresses que mère, filles et petites-filles se dispensent sans compter ?
Pas de réponse mais une certitude : je vais m'efforcer de vieillir japonaise.
Uran
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