dimanche 31 mai 2009

Ramen TV


A la télé japonaise, du moins sur les 6 malheureuses chaînes que nous recevons à la maison, les programmateurs semblent avoir compris qu'une seule et unique chose fait grimper l'audimat : la nourriture !
Quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit, sur chacune de nos 6 chaînes est dès lors diffusée une variante de la même émission. Seuls la tête et le costume de l'animateur changent un peu en fonction de l'heure (femme au foyer en tablier à fleurs le matin, jeune fille branchée l'après-midi et homme séduisant en costume à paillettes le soir), le nombre d'invités, la déco du plateau, la formule plus ou moins ludique ou didactique, mais le principe reste exactement le même : goûter des plats.... pour surtout, étape essentielle et incontournable, s'extasier tellement c'est délicieux-que-c'est-le-meilleur-plat-du-monde-que-jamais-on-n'a-mangé-quelque-chose-d'aussi-bon !
Pour ce faire, attention, il importe de suivre une procédure qui ne peut en aucun cas s'écarter d'un iota du schéma consacré : porter une part du plat présenté à ses lèvres, par petite bouchée délicate pour les filles, par grosse baguettée goulue pour les hommes, marquer un temps d'arrêt pendant lequel on mâche d'un air concentré, puis, selon ses talents de comédien, laisser place à un festival de grimaces extasiées, d'exclamations bouche pleine (c'est mieux) ou pas pour manifester son contentement.
Dans tout cet enchaînement d'une précision d'horloger, c'est l'art du temps de pause qui est le plus important. On pourrait presque suivre chez les plus doués le cheminement de l'influx nerveux de leurs papilles à leur cerveau par les subtils changement de leur expression.
Hors de question de s'ébahir trop vite, ça ne serait pas crédible, on pourrait croire à un mensonge, et puis ça nuirait au spectacle.
Sacrilège de ne pas hystériquement crier que c'est délicieux.
Ignominie d'hésiter, voire de montrer qu'on n'aime pas trop.
Dans cette religion exclusive qu'est la cuisine, l'amour inconditionnel est de rigueur, et l'unique invitée téméraire qui s'est permise un jour une telle bravacherie est immédiatement sortie du champ caméra pour ne plus jamais réapparaître à l'écran. Elle venait de signer la fin de sa carrière télévisée.
Une émission de télé est donc une longue suite de dégustations de plats entrecoupée de publicités, le plus étonnant n'étant pas cette démesure de cris stridents, mais surtout le fait que cet enthousiasme surjoué s'applique aux mêmes 10 plats qui reviennent inlassablement et qui constituent en plus le quotidien de tout japonais : udon, oden, yakitori, curry, riz sauté, sashimi, sushi, shabu-shabu, katsudon, korokete, tempura, avec une nette prédominance pour la ramen-soupe. C'est d'ailleurs ce qui nous a mis la puce à l'oreille quant à une possible exagération. Transposé, c'est un peu comme si on se roulait par terre en mordant dans une tartine au jambon...
Pour nous, étrangers peu familiers de cette cuisine encore exotique, passe encore, on se laisse prendre au jeu. Christophe pendant son séjour y a même appris deux recettes qui feront désormais partie de ses incontournables : 
la tartine à l'oeuf dur mayonnaise et la tartine tuna-mayo à l'oignon rincé.
Il nous a promis de maîtriser d'ici notre retour pour nous organiser un véritable festin. Quant à nous d'ici là, nous nous entraînons assidûment à nous pâmer d'extase à la première bouchée. Si la prestation est convaincante, on compte mettre au point une petite tournée. N'hésitez pas à nous contacter dès le mois de septembre pour une représentation à domicile, prière juste de nous communiquer le menu pour accord une semaine avant le spectacle. 
D'avance merci !

Uran

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