mercredi 27 mai 2009

Un vendredi soir ordinaire à Yukigaya Otsuka

Un pas de plus pour nous fondre dans la vie japonaise, Uran et Astroboy ont passé un vendredi soir typique de salaryman.
Une soirée japonaise se divise généralement en 3 étapes selon un ordre immuable.
En amoureux de la perfection, nous en avons rajouté une, l'étape - 1, pour nous préparer à ce petit marathon comme le feraient de véritables champions : un bon bain au sentô du quartier. Muscles déliés par une eau proche de son point d'ébullition, corps détendu, esprit libre, c'est confiants que nous nous sommes dirigés vers notre point de rendez-vous : le restaurant de yakiniku situé à 50 mètres de la maison.


Etape n°1 : le resto - izakaya.
Pour démarrer en douceur, le japonais, sitôt sorti du bureau, se rend dans son izakaya favorite pour grignoter quelques petits plats légers mais surtout s'enfiler quelques bières, puis au fur et à mesure que la soirée avance, atteindre son rythme de croisière en passant au saké.
On pourrait un peu comparer la scène à la fable "Le lièvre et la tortue", où le lièvre symboliserait l'alcool et la tortue la nourriture : alors que les plats font bien souvent de la figuration, attendant qu'on y chipote sans grande conviction pour en prélever quelques bribes, les verres font la course largement en tête et se vident à une vitesse fulgurante... Et contrairement à la morale de notre bon ami Jean, la tortue ne gagne jamais à ce petit jeu, bien au contraire elle ne finit même carrément jamais la course.
En bons européens pour qui les plaisirs de la table ont tout de même de l'importance, nous avons quant à nous largement fait honneur aux plats de notre yakiniku, et lièvre et tortue ont franchi ex-aequo la ligne d'arrivée.


Etape n°2 : le bar.
Après l'échauffement, variable en intensité selon le niveau, le japonais passe ensuite au match proprement dit : la biture en bonne et due forme. Pour ce faire, tout équipement peut être utilisé sans encourir le moindre risque de disqualification : classiques litres de bière, sakés de toutes qualités (mais j'imagine que le moins cher rempli très bien son office en limitant la note), alcools forts.
Ce point de la soirée est généralement un moment charnière : soit le japonais trouve assez de volonté pour s'arrêter à temps pour prendre son dernier métro et rejoindre son doux foyer où l'attend à bras ouverts une épouse aimante et dévoué (j'espère que la tradition du canapé et de la bonne vieille couverture dans le salon sont transmises dans l'éducation d'une jeune japonaise à marier.... parce que pour ce qui est du rouleau à pâtisserie malheureusement, les japonaises n'ont pas l'air de faire beaucoup de tartes...). Soit terrassé par l'alcool, le japonais perd toute notion de temps et poursuit inlassablement son match, set après set, mi-temps après mi-temps, perfectionnant qui un smatch, qui une passe, qui un swing en fonction de sa discipline.
Le but de cette petite réunion anniversaire d'un de nos colocataires n'étant pas de rentrer en rampant à la maison, nous avons sauté cette étape pour passer directement à la suivante.


Etape n°3 : le karaoke.
Il y a tout de même un moment où la rencontre se termine, mais voilà, à cette heure, plus de métro pour rentrer reposer son corps d'athlète. Entre autres solutions, s'effondrer sur un trottoir ou un banc dans la rue en attendant le petit matin, avoir la chance de se trouver à proximité d'un hôtel capsule ou d'un internet café ouvert toute la nuit pour prétexter une recherche google soudain vitale, ou, pour les plus en forme, terminer la nuit au karaoke en hurlant de la pop japonaise (en prenant grand soin de préserver ses fragiles cordes vocales par une décoction de bière et de whisky soda).
Nous, c'est juste l'amour du chant qui nous a poussé à l'exercice... enfin, l'amour du chant pour Uran qui, quoi qu'un peu timide au début, a accepté de bonne grâce de faire partager sa voix casserolesque à ses nouveaux amis (qui ne la regardent plus de la même manière maintenant quand ils la croisent dans la maison, une espèce de lueur terrifiée dans l'oeil quand elle fait mine de s'éclaircir la gorge pour parler).
Astroboy quant à lui s'est plutôt contenté de partager son amour de l'accompagnement à la cymbale, ce qui en langage super-héros équivaut à la stratégie dite du "dégonflé", stratégie efficace applicable à nombre de situations critiques telles que sorties en boîte où il faut se trémousser toute la nuit sur une piste de danse (oui oui, j'arrive, j'arrive, je me mets dans l'ambiance), dégustation d'abats (oui oui ça a l'air super bon mais là j'ai trop mangé, j'attends que ça descende), étalage de crème solaire dans le dos de sa super-héroïne (oui oui tout de suite mais là j'avais l'intention d'aller nettoyer les vitres et donc tu comprends, avec les mains grasses, c'est ptet pas l'idéal...).
Uran a elle-même déjà appliqué cette stratégie avec succès lors de tournois de cartes, de soirées-jeu ou de simples renseignements à demander à une vendeuse, elle sait donc de quoi elle parle.
Accordons lui quand même le bel effort pour la "Vie en rose" et un medley des Bee Gees, exercice de chant particulièrement facile s'il en est, mais aveuglé par l'enthousiasme de voir le nom de ses idoles dans la liste, Astro n'a sans doute pas bien réfléchi aux conséquences de ce choix précipité.

Voilà donc notre première soirée typique en bonne et due forme, quoi que beaucoup plus raisonnable que ne le veut la tradition. Et l'autre différence de taille est que, contrairement aux salarymen, nous n'avons pas eu à émerger le matin le cerveau, le teint et l'haleine proches d'un bol de natto pour reprendre péniblement le chemin du bureau et attendre calé derrière son écran d'ordinateur que cette atroce journée se termine, pour sitôt sorti du bureau, se rendre dans son izakaya favorite pour grignoter quelques petits plats légers mais surtout s'enfiler quelques bières, puis au fur et à mesure....

Texte : Uran – Crédit photos : © Astroboy

1 commentaire:

  1. allez .. avouez ... c'est à Mons que vous vous êtes installé et vous avez déjà commencé les préparatifs de l'ducasse... hein hein hein ;-)

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