mardi 14 avril 2009

Shiroi bara ou de la difficulté d'être daltonien quand on s'installe comme coiffeur à Tokyo

Il avait pourtant bien spécifié au poseur d'enseignes lumineuses qu'il avait l'intention d'appeler son salon : "A la rose pourpre du Caire". Ce dernier lui avait assuré qu'il pouvait le laisser faire les yeux fermés, il était dans le métier depuis bien des années, et son père et son grand-père avant lui. Et sans doute était-il aussi le seul poseur d'enseignes de tout Tokyo qui parlait couramment 12 langues, voilà pourquoi tout gaijin qui décidait de tenter sa chance en installant son petit commerce faisait appel à ses services : il était passé maître dans la traduction des devantures et vitrines en tout genre.
Ce n'est que bien des années plus tard, après avoir patiemment maîtrisé tous les rouages de la complexe langue japonaise, que notre petit coiffeur avait fini par comprendre qu'il s'était fait berner par l'habile artisan qui, l'occasion était trop belle, lui avait réinstallé l'enseigne d'un fleuriste de ses clients qui venait de faire faillite.
Qu'à cela ne tienne, notre coiffeur finit par se faire à l'idée que sa rose pourpre était en réalité une rose blanche. Et que cela lui serve de leçon : à l'avenir il redoublerait d'attention avant de placer sa confiance en quelqu'un. "Heureusement", se dit-il avec satisfaction, "il y a au moins une personne à Tokyo sur laquelle je peux compter inconditionnellement". Et il regarda entrer avec bienveillance dans sa boutique l'homme grâce à qui il avait réussi à établir au fil des années la solide réputation de son salon : son fournisseur de coloration blanc cendré !



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